Monde fou, difficile de se frayer un passage vers le comptoir pour passer commande. Dans cet endroit, les gens ont dépassé la quarantaine. Nous sommes trois filles, nous aussi au delà de cette limite. Mes deux copines sont des runneuses, ça se voit.
On enchaîne les pastis et, évidemment, à ce jeu, je me perds.
Coincée au départ, avec la petite crainte de croiser une connaissance du collège ou de je ne sais quel quartier de ma jeunesse, j'ai assez vite envie de fuir. Puis les pastis et l'ambiance franchement sympa me font changer d'avis.
Je croise des filles trop brunes, trop bronzées, trop clinquantes, trop lookées, trop maquillées. Toujours trop quelque chose. Les hommes sont eux, pas assez: pas assez intéressants, pas assez appétissants, pas assez intelligents, pas assez quoi.
Les poches sous les yeux, les traits fatigués, ou encore les bourrelets , j'en croise à la pelle. ça me fout un cafard euphorique. Euphorique d'échapper au moins aux bourrelets ou à la caricature du too much.
On croise deux types plutôt bien mis, au champagne. On négocie un petit coin de leur table dehors, pour poser nos verres. Je bénie les dieux ne plus fumer. Le plus vieux doit avoir la soixantaine. Il a les yeux turquoise comme ceux de mon père, en moins beaux bien sur, mais cette couleur si particulière me captive. Son regard est direct et son invitation à poursuivre dans une boite branchée de la ville toute aussi franche.
Je refuserai ce vieux briscard mais donnerai plus tard mon numéro à Pierre, galant homme propriétaire du gros resto du cours et patron de je ne sais plus quel syndicat de commerçants. Il a 50 ans, 2 enfants, deux divorces et des broches au bassin. Sa conversation est surnaturellement intéressante, sans accent et ses yeux sont clairs.
Une blonde aux cheveux de lionne, qui essaie par tous les moyens possibles de planquer son cul carré et son visage de travelo essaiera de l'emmener avec cette énorme paire de seins et cette bonne humeur festive un peu trop "too much" pour être honnête.
23:25, je décide qu'il est tard, je suis gelée, et je décide de partir. J'ai subitement ma claque de tout ce manège. De toute manière je n'aime que mon lit et le bon thé.
On se revoit dimanche pour le brunch, invitées par le patron.