mercredi 25 décembre 2013

Continent liquide

Je fumais mes cigarettes sur le balcon. Lui fumait les siennes sur son balcon. On se regardait fumer sans se connaître, à quelques dizaines de mètres l'un de l'autre.
Au fil des paquets, une douce familiarité est venue, puis les petits signes de la main. De fil en aiguilles, il y a eu des soirées entre amis, des amis communs, un we à Deauville, un autre à Londres, à la montagne.
J'ai fini par le basculer sur le capot de la voiture, un soir qu'on rentrait ensemble d'une de ces soirées chez un ami commun.
Ce type m'impressionnait: je le trouvais beau, intelligent, brillant, original, vrai et naturellement viril et élégant. Je raffolais de son odeur, de ses mouvements, de son corps, de le regarder. Il plaisait beaucoup, évidemment.
Pendant tous ces mois, je ne lui ai connu qu'une seule petite amie, sur quelques semaines. J'étais alors jalouse de la voir l'approcher de si près, le toucher. J'étais même dégoûtée. Je la détestais d'être aussi belle, aussi spirituelle en société et aussi aimée de lui. Je l'admirais aussi et l'aimais bien en même temps. Combien de soirées à souffrir de ce spectacle, je ne sais plus.
Quand il l'a quittée, personne n'a rien vu mais j'étais comme requinquée.
Après le capot de la voiture, on est monté chez lui, on n'a pas réussi à faire l'amour. On ne s'est plus quittés. J'ai connu une des plus grandes faims de vivre de toute ma vie pendant les 7 ans de notre relation.
Aujourd'hui, il se trouve que je le revois de temps en temps. Il se trouve qu'il habite dans ma nouvelle ville. Il se trouve que nous avons des amis communs. Il se trouve que j'ai de nouveau très faim de vivre le sentiment que j'ai connu avec lui. Ce ne sera plus lui, mais c'est bon de sentir ça.