Au réveil, l'automne se fait sentir; la lumière matinale est rase, l'air désagréablement frais, de plus en plus souvent humide.
Les couloirs du métro relentent le miasme parisien: je marche machinalement, me laissant entrainer dans le flot des costards Delaveine et des boots Mango des banlieusards.
Une fois dans le métro, le niveau de style s'élève mais ça ne suffit pas à me sortir de l'hypnose de ce nouveau jour ouvré.
Depuis bien longtemps, j'ai adopté le comportement typique du parisien lambda: je ne regarde plus les autres et je me fous complètement de mon voisin: du moment qu'il ne pue pas, tout me va.
Je me confie aux bons soins du troupeau, emboite la cadence et enfile le costard sans que cela ne me fasse plus aucun mal. Je suis lobotomisée.
Isolée parmi les autres, musique plein les oreilles, je déambule comme un poney de manège connaisssant parfaitement la trajectoire la plus courte vers l'arrivée. De temps en temps, j'adopte même la posture tête baissée façon taureau qui fonce dans le tas pour me faire une place dans le courant parfois contraire.
Les gens me bousculent, je bouscule les gens, mais plus personne ne se retourne ni ne s'offusque. Nous sommes tous habitués à la malpolitesse et à la rudesse ordinaire de notre trajet sempiternellement quotidien.
Seuls les enfants ou les animaux me tirent le regard à la surface: le sourire arrive spontanément.
Quelques secondes plus tard, j'ai replongé dans mes pensées.
Je songe à mon futur, à mes talons qui glissent sur le marbre de ce quartier business, à mon chien, à ma mère, aux courses au Monop' ce midi, à prendre rdv chez ma coiffeuse, à ce cul qui marche devant moi, au programme de la journée qui arrive, à nos moments d'amour, à mon père, à mon homme, à ce que je pourrais écrire, à cette douleur dans mon ventre, à attraper cette poussière de chardon pour faire que mes voeux les plus fous se réalisent.