Rester dans son boulot de merde, lui trouver des avantages, abdiquer devant le fric, abdiquer devant la peur de changer, c'est ce que je fais.
Le soir, quand je suis seule, je rentre chez moi, je me prépare un repas essentiellement à base de légumes, je nettoie et range mon intérieur pour qu'il soit agréable à l’œil, je vaque à des occupations essentiellement ménagères, webisantes ou encore canines, je regarde la télé parfois, j'écoute de la musique, je me fais des masques, je me démaquille scrupuleusement, je me rassure comme je peux avec tout ça, me donnant l'illusion de maitriser ma vie.
Le problème est que je reste insatisfaite, en quête d'un "autrement" que je ne sais même pas décrire.
Angoissée je reste.
L'angoisse tient ma vie, la fabrique. Je m'empêche d'en changer.
La peur de manquer d'argent, la peur de perdre ma place dans la société, la tenace impression d'avoir eu de la chance d'en être arrivée là où je suis, le statut social estampillé réussite que je peux avoir aux yeux de ma famille et auquel, bêtement je tiens, essentiellement pour ma grand-mère pied-noirs et mon père, la peur de ne plus briller aux yeux des autres... et bien d'autres craintes irraisonnées me conduisent dans mes choix, dans mes attitudes professionnelles et font de moi une middle-management assez disciplinée finalement.
Je ferme ma gueule et je subis. J'aménage le quotidien. Qu'il soit rutilant surtout, pour mieux cacher la misère.
Chez moi le soir et jusque tard dans la nuit, je m'étourdis, je plonge dans la fumette, je me permets de psychédéliques moments de lucidité. La joyeuse défonce tranquille en somme. On s'évade comme on peut.
Le problème est que la fuite ne dure jamais bien longtemps. Tous les matins, je retourne en prison.